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Anakot Angkor
10 juillet 2007

Juillet 2007

Ca y est ! Des jours et des jours d’attente et de rebidouillage, mais voila, même sous les tropiques, nous sommes pris par le tourbillon de la vie qui grignote même les rares moments de sérénité et de gourmandises.
Faut dire aussi qu'il n’y a pas très longtemps encore, l’informatique était ici une machine à pester, ça marchait sur trois pattes et l’on passait son temps à chercher un réparateur; autant vouloir dégotter un spécialiste de la parthénogenèse chez les drosophiles.

La poussière, la chaleur, l’emmerdement maximum, tout s’y mêlait pour détraquer les bécanes, parfois la colère vous poussait au meurtre, enfin il y a des jours où l’on n'était pas loin de transformer le PC en objet volant non identifié.
Et puis zou ! Un bon matin, on s’offre le pouvoir de vous faire partager nos coups de cœur. Il n’était donc plus possible de reculer le plaisir de vous envoyer quelques mots de ce tout là-bas où le soleil attaque la journée avec déjà une furieuse chape de plomb.

Bon ! Pas facile de vous ouvrir comme ça une première page, un brin de texte exotique.
Alors je me lance, avec l’idée que mon terrain d’activité, je suis archéologue, mais surtout la route qui serpente pour y pénétrer sera source d’inspiration. D’ailleurs, je ne suis pas un archéologue classique, il y en a déjà tellement qui savent parler des vielles pierres qu'ici dans ces pages j'ai plutôt envie de vous raconter mon cadre de vie et ceux qui le partagent.
Certes les mangues font de la résistance ici où là, belle et encore mielleuse à souhait, mais nous voila déjà à l’époque des ananas. Les mimosas et les flamboyants sont passés, le jasmin est en cours. C’est le temps où tout va basculer, des orages qui vous rincent la moelle épinière aux pluies grises et continues. Des fois, l’aube chargée d’humidité est un tantinet fraîche, pas de quoi se couvrir les fesses à la sortie du lit.

A cette heure dès potron-minet, c’est déjà le vrac au centre-ville. Un brouhaha matinal encombre l’arrière bruit; mélange vrombissant de deux roues khmérisants, premier bus de nippons, bad-backers dred lockés, traînes tongues, expats les yeux collés, coqs enraillés, karaoké hurlant.

Siem_Reap
Photo Eric Llopis

Ce matin, réveil du samedi ! Lendemain d'embûches sulfureuses qui jalonnent les soirées aux atmosphères suaves et qui rendent les garçons fébriles sous le regard des filles.

Ouf, la thermos d’eau chaude qui attend tranquillement sur le coin de la terrasse ! Juste à plonger la cuillère dans un fond de nescafé, deux minutes de touillage l’air hébété, fixant la rizière, l’esprit caramélisé, seule une douche froide peut permettre de prendre conscience qu’il fait jour depuis au moins deux heures.

J’entends la pompe dans le jardin, c’est Kya la fille du proprio qui prend son bain sous les cocotiers. Je m’accoude à la balustrade de la terrasse et je reste là tournoyant le café dans la tasse, dans l’espoir de la faire refroidir. La tasse, pas Kya !

L’aboiement d’la proprio qui passe sous la terrasse me tire de ma torpeur, j’évite de justesse d’un pas chassé la caisse à crottes des minous; elle distille moins de désir et rejoint sa fille au bain, heu... Oui ! Oui ! Elle est là... heu ! Jolie matinée n’est-ce pas !

Neuf heures du mat et déjà une chaleur salée envahit le tee-shirt. La chaleur tombe comme une enclume, mais j aime bien, bon ça tropicalise les pensées, certes, mais il reste quand même assez d’énergie pour les transformer en envies et y goûter avec bonheur. J’engloutis le café... beurk ! Le nescafé ! C’est pas bon, hein ! Surtout avec deux cuillerées et trois gouttes d’eau... mais ça réveille.

Oh ! Mais je rêve moi ! Il faut que j' me grouille, ce n'est pas le tout mais j’ai un groupe d’amis que j'accompagne pour une visite archéologique ce matin.

Je reprends la plume de retour après un temps de bonheur partagé entre visite, boustifaille, tour en moto. Le tout ponctué de pause, histoire d’aller blaguer avec les cornacs perchés sur l’arrière du crâne de leur pachyderme ou d’offrir en pâture la moto à une horde de singes psychopathes. Un passage à sac de la bécane, de la tête au pied, hallucinant. Retour en fête, avec toute la troupe vociférante, par les rizières, sous le soleil couchant, nous roulons en bobine de fil de soie doré.
Une jeune femme s’accroupie sur le bord de la route, remonte pudiquement son sarang et l’air détaché, cherchant un avion dans le ciel, écarte les cuisses, l’air de rien le petit ruisseau de pipi déversé, reprend le mouvement en avant, l’affaire est entendu, en un instant, la vie suit son court…

Passage devant le Bayon, la route décrit un cercle complet autour du temple, et derrière les arbres qui accompagnent le bas-côté de la route ouest, défilent de manière saccadée les visages souriants des tours. Comme dans un carnet à spirale qu’on fait claquer sous le pouce, pour voir les dessins s’animer, voila d’arbre en arbre le temple qui se met à jouer au tourniquet.

Dans un coin de rizière, vision surréaliste pour une version écologique du tripot. Des jeunes cacous, la mèche rebelle et la clope au bec, s’acharnent, à l’heure de ce qui va être celle de l’apéro, à une partie de billard. Le tapis de feutre vert n’est qu’un vieux souvenir.

En arrivant en ville, les cigales abandonnent leur sifflement monocorde pour une fréquence ondulante. En Europe on dit qu’elles chantent, mais ici elles « reï yom », elles pleurent.
Avant le Psa, sur la route des gros camions, au passage du pont, je double le tintement de la cloche de la carriole du vendeur de glace. Des gosses dans les flaques d’eau se marrent. Le sourire pendu aux oreilles, ils braillent des « ola » de bras dégingandés.

Le vent fait mousser le feuillage doux et flou des acacias. Au milieu du flot anarchique des deux roues, tendrement adorable, une jeune fille sur son vélo, petit chapeau, nez retroussé, gants ouverts sur petits doigts moulés, lèvres ouvertes, l'envie d’y déposer un baiser, chapeau tenu d’une main cambrée, et par deux doigts, tente de griller la priorité !

Je quitte la troupe, me reste bien encore quinze minutes avant d’arrivée à la maison, juste avant de voir la nuit, en couperet serré, régler son compte au jour. Ce soir les arbres jouent avec le soleil, l’air est à nouveau léger, il y a de la bonne humeur. Les chiens marchent à l’ombre des charrettes à buffles. Les cochons se baladent toujours ficelés à l’arrière des mobylettes.

En ce moment tous les soirs, il y a une odeur de jasmin qui scotche à la route, ça flotte comme ça partout dans les rizières et dans les cheveux des filles qu’on trimballe en moto... Bon ! Ce soir je suis de gueuleton chez mon copain Yam Djé. Je balancerai quelques derniers petits mots à mon retour.

Minuit, de retour, incroyable, j’ai pu passer entre les gouttes ce soir.
Chez Djé, c’était bon enfant. Dans la pièce principale l’ambiance était à la détente. Les petites vieilles chétives, enlacées dans de grand drapé blanc, attendaient l’heure du curry.

Le repas a été délicieux, balançant entre le silence des petites vieilles mâchouillant dans un va et vient de mâchoires popeyantes, et les rires aigus qui ponctuent les histoires drôles. Comme celle du fils de mon voisin, sourd et muet, qui s’est pris une noix de coco sur le haut du crâne. Le pauvre bougre se lavait au puit sous les cocotiers et n’a rien vu venir.

Les filles s’esclaffent la main devant la bouche, comme gênées de tant de naïveté, leurs bracelets argentés cliquetant accompagnent ce bonheur. Les garçons ne s’embarrassent pas de tant de pudeur et spontanément ouvre leur four édenté, postillonnant d’éclats de riz. La vie simple…

A bientôt pour un autre tour d écriture. A vos plumes pour un brin de nouvelles, histoire de partager des moments d’ailleurs.

Eric Llopis

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Commentaires
C
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S
Terrible :) Quelle expérience, merci d'avoir aussi bien partagé votre periple :)) C'est vraiment trop bien realisé Merci pour la qualité de ce blog +++++
A
je fais des petits tests de retroliens...<br /> http://pocaaucambodge.spaces.live.com/blog/cns!11AC6210502B672C!470.trak<br />
A
Coucou tout le monde, je vous écris de Corse mais la moitié de mon coeur est encore à Siem Reap, il faudra ben que je revienne la chercher un jour...<br /> Merci Eric pour ce récit, ça m'a permis de m'évader un instant et de me replonger dans l'ambiance si agréable, pure et douce de la vie au Cambodge...<br /> Gros Bisous.<br /> A bientot...<br /> P.S: N'hésitez pas à aller faire un tour sur mon site perso : http://pocaaucambodge.spaces.live.com .
K
J'en lirais bien des pages et des pages comme ça, quel régal, et quel cadeau ce talent à décrire les lieux, les gens et les évènements nimbés d'atmosphères si réelles et si dépaysantes<br /> sous tes airs de brute matcho se cache un coeur aux aguets (non là je chahute !) merci en tout cas pour ce voyage parfumé de vraie tendresse je reviendrai souvent visiter ce site, il est plein de trésors
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